Apologétique / "c’est l’Église catholique qui vous a donné la Bible !"

21/09/2025

Apologétique / "c’est l’Église catholique qui vous a donné la Bible !"

Lorsque l'on débat avec nos amis catholiques, et que l'on aborde la thématique du "Sola Scriptura" (l'Ecriture seule), pour défendre l'autorité suprême de la Parole de Dieu, il est très courant d'entendre cette objection : "c’est l’Église catholique qui vous a donné la Bible !". J'ai personnellement entendu ce faux arguments à de nombreuses reprises dans mes échanges avec des prêtres sur tiktok. 

Prenons le temps d'analyser ce faux argument qui se présente sous la forme d'un syllogisme : 


•    1ère prémisse : L’Église catholique a recueilli les textes de la Bible et vous les a transmis;
•    2ème prémisse : Celui qui recueille et transmet les textes détient l’autorité pour les interpréter;
•    Conclusion : Donc l’Église romaine a l’autorité pour interpréter la Bible et le Sola Scriptura est faux.

 

A propos de la 1ère prémisse : qui a recueilli les textes de la Bible et nous les a transmis ? 

 

•    Ce sont tout d'abord les communautés juives qui ont préservé et copié les textes de l'Ancien Testament, le "Tanakh" (39 livres). Les scribes juifs ont réalisé un travail remarquable, tout au long des siècles, à ce sujet.
•    Ce sont ensuite les premiers chrétiens (Eglise primitive), bien avant la romanisation de l'Eglise catholique au IVème siècle sous l'empereur Constantin, qui ont partagé et copié les écrits apostoliques qui composent le Nouveau Testament (27 livres). Et nous savons que dès le IIème siècle, plus précisément entre l'an 141 et 156 de notre ère, il existait déjà un 1er canon biblique appelé le "canon de Muratori" et dont on a retrouvé un fragment. Il comportait la quasi totalité de notre Nouveau Testament actuel. 
•    L'Eglise catholique a ensuite joué un rôle important dans la préservation, la compilation et la canonisation des textes bibliques, notamment au travers des conciles d’Hippone (393) et de Carthage (397).
•    Enfin, l'Eglise protestante a également joué un rôle significatif dans la transmission de la Bible. En effet, plusieurs grands codex bibliques ont été édités ou compilés par des protestants.

 

Le médecin et théologien Maxime Georgel résume bien cet état de faits : «L’Église qui a recueilli et transmis les textes de la Bible n’est pas l’Église catholique romaine moderne. La Bible a été recueillie par les chrétiens de l’antiquité et elle a été transmise par les chrétiens de tous les siècles, qu’ils soient des Pères antiques, des médiévaux en communion avec Rome, des auteurs orthodoxes grecs et également des protestants. En fait, les protestants ont joué un rôle clé dans la transmission de la Bible, puisque plusieurs grands codex bibliques ont été édités ou compilés par des protestants. C’est au point que l’un des principaux codex biblique porte le nom d’un Réformateur, le codex Bezae étant en effet nommé d’après Théodore de Bèze, le successeur de Jean Calvin. Autrement dit, le recueil des textes bibliques a été fait par les chrétiens antiques, et c’est aux catholiques romains de prouver qu’ils en sont les dignes et seuls héritiers, cela ne peut pas être supposé, cela doit être prouvé. Par ailleurs, c’est un fait de l’histoire que la Bible a été transmise non pas par l’Église catholique romaine mais par l’Église catholique au sens théologique du terme, c’est-à-dire par l’Église universelle et non uniquement par les chrétiens soumis au pape romain».

 

 

A propos de la 2ème prémisse : Celui qui recueille et transmet les textes détient l’autorité pour les interpréter ?

 

Cette affirmation est problématique, car elle établit une équivalence logique qui n'a pas lieu d'être. En effet, le fait de recueillir, de copier ou de transmettre un texte ne confère pas automatiquement une autorité exclusive pour l’interpréter. Par analogie, un bibliothécaire qui conserve et transmet des livres n’est pas nécessairement l’autorité pour en interpréter le contenu.


Cet argument est d'autant plus absurde, que malgré le magnifique travail des scribes juifs, et alors même que les Juifs étaient les "dépositaires de la révélation divine" (Romains 3v1-2), nous voyons que Jésus va régulièrement critiquer les scribes et les pharisiens pour leur compréhension erronée des Ecritures, les accusant de manquer l'essentiel de leur message spirituel. Par exemple, dans Matthieu 23v23-24, il va leur reprocher leur focalisation sur des détails légaux au détriment de la justice, de la miséricorde et de la foi. Et dans Matthieu 22v29, nous lisons ce verset particulièrement explicite à l'intention des saducéens : «Jésus leur répondit: Vous êtes dans l'erreur, parce que vous ne comprenez ni les Ecritures, ni la puissance de Dieu». 

 

Les scribes juifs auraient pu arguer qu'ils étaient les gardiens du texte sacré et les dépositaires des oracles divins, mais Jésus énonce une très nette distinction entre la lettre et l'Esprit des Ecritures, expliquant ainsi que l'autorité des Ecritures ne réside pas seulement dans sa préservation littérale, mais dans sa dimension spirituelle qui nécessite une vraie capacité de discernement par l’Esprit. Cet échange démontre qu'il y a une vraie tension entre la tradition (la préservation et la transmission du texte) et la révélation (sa compréhension spirituelle et son actualisation). 

 

Par ailleurs, les protestants, qui adhèrent au principe du Sola Scriptura (l’Écriture seule comme autorité suprême en matière de foi et de pratique), soutiennent que l’Écriture elle-même, inspirée par Dieu, porte son propre poids d’autorité (2 Timothée 3v16-17). Selon eux, l’Église doit jouer un rôle dans la transmission, mais l’autorité interprétative ultime réside dans le texte lui-même, éclairé par le Saint-Esprit. 

 

Les protestants ont une démarche similaire à celle des chrétiens de Bérée. En effet, ils ne se contentaient pas de recevoir des enseignements d'une autorité officielle reconnue (Paul et Silas), mais ils «examinaient chaque jour les Ecritures pour voir si ce qu'on leur disait était exact» (Actes 17v11). Une attitude que l'Apôtre Paul va ériger en modèle, soulignant leurs «sentiments nobles». 

 

Le Sola Scriptura ne nie pas que l'Eglise est appelée à jouer un rôle important de guide et d'enseignante, mais cela ne lui confère aucunement une autorité infaillible et exclusive. Au contraire, chaque disciple, guidé par l'Esprit, doit s'exercer à discerner et à interpréter correctement le message évangélique. 

 

#MerciDeRésister
Paul OHLOTT