29/09/2022
Plusieurs passages de l’Ancien Testament révèle la divinité du Messie (Ps 45 v 7-8 ; Es 9v5) et la réalité trinitaire de Dieu (Genèse 18 ; Esaïe 61v1-2). La Trinité est-elle par conséquent une notion juive ? Bien que les Juifs ne reconnaissent pas la divinité de Jésus, l’étude du Judaïsme antique révèle que les idées théologiques ayant abouti à la formulation de la doctrine de la Trinité, telle que la nature divine du Messie et la personnalité du Saint-Esprit, sont acceptées par certains courants juifs de l’Antiquité, avant même l’émergence du Christianisme.
Contrairement à ce qu’affirment certains philosophes, historiens progressistes et théologiens libéraux, tels que Frédéric Lenoir (« Comment Jésus est devenu Dieu », Ed. Fayard) ou encore Richard E. Rubenstein (« Le jour où Jésus devint Dieu », Ed. La Découverte), qui reprennent les thèses d’Ernest Renan, formulées au XIXème siècle, dans son ouvrage « Histoire des origines du Christianisme », la nature divine du Christ n’a pas été soudainement inventée aux IIIème et IVème siècles de notre ère.
Tout d’abord, parce que les écrits néo-testamentaires dévoilent clairement que les premiers chrétiens, dès le 1er siècle, croyaient à la divinité du Christ, bien qu’ils étaient juifs et qu’ils croyaient en l’absolu « unicité de Dieu ».
Secondement, ces chercheurs font preuve d’une profonde méconnaissance du judaïsme antique. En effet, l’historien juif Daniel Boyarin a publié un travail remarquable dans son ouvrage « le Christ juif », dans lequel, il démontre que l’idée de consubstantialité du Messie avec Dieu est loin d’être une innovation chrétienne tardive, mais qu’elle était déjà présente dans certaines tendances du judaïsme pré-rabbinique.
Il serait abusif d’affirmer que tous les juifs antiques acceptaient la figure d’un Messie divin , mais c’était une réalité au sein de plusieurs courants judaïques. Daniel Boyarin affirme sans l’ombre d’un doute que « beaucoup des idées religieuses liées au Christ (Messie), identifié plus tard à Jésus, étaient déjà présentes dans le Judaïsme« . La croyance chrétienne à la divinité d’un Jésus messianique est donc une idée profondément juive et non une innovation de l’Eglise, vers les IIIeme et IVème siècles, sous l’influence des hellénistes.
Plusieurs passages de la Bible hébraïque évoquent clairement la divinité du Messie :
Le passage de Jérémie 23v5-6 n’est pas appliqué au Messie par les Chrétiens uniquement mais ce sont les Juifs eux-mêmes qui appliquaient ce verset au Messie :
Daniel Boyarin explique encore que l’exemple le plus emblématique d’une figure humaine incarnant Dieu, est sans conteste le passage du livre de Daniel sur le « fils de l’homme » :
«Je regardai pendant mes visions nocturnes, et voici, sur les nuées des cieux arriva quelqu’un de semblable à un fils de l’homme ; il s’avança vers l’Ancien des jours, et on le fit approcher de lui. On lui donna la domination, la gloire et le règne ; et tous les peuples, les nations, et les hommes de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit» (Daniel 7v13-14)
Ce personnage dépeint par Daniel est évidemment décrit en des termes messianiques. Pourtant, la description va bien plus loin que la simple figure du Messie humain.
Cette vision de Daniel offre cinq caractéristiques :
L’historien Daniel Boyarin souligne que l’association de ce personnage aux «nuées des cieux» tend clairement à faire de lui une figure divine. En effet, dans la littérature biblique, les nuées sont systématiquement associées à Dieu lui-même. Ce passage semble donc présenter le Dieu unique d’Israël sous la forme de deux personnes, l’Ancien des jours et le Fils de l’homme, à tel point qu’il est possible de parler d’un «Dieu binitaire» pour décrire la théologie du Livre de Daniel.
«L’idée d’un second Dieu, vice-roi de Dieu le Père, est l’une des plus anciennes idées théologiques en Israël. (…) les idées de la Trinité et de l’incarnation, ou du moins les germes de ces idées, étaient déjà présentes parmi les croyants juifs longtemps avant que Jésus ne surgisse sur scène», affirme Daniel Boyarin, qui précise encore que si la notion de «Trinité», telle qu’elle est comprise par les chrétiens et formulées par les Pères de l’Eglise dès le IVème siècle, n’est sans doute pas juive, celles de «double nature du Messie et de multi-personnalité de Dieu» le sont.
L’idée d’un Dieu « binitaire », inspirée du passage de Daniel, est récurrente dans la littérature juive postbiblique, que l’on nomme «écrits intertestamentaires» (textes considérés comme apocryphes). Ainsi, la période de rédaction des premiers écrits chrétiens est également celle du développement d’une théologie juive de la double nature du Messie. L’attente d’un Messie divin «faisait pleinement partie de la tradition juive», précise Boyarin.
Au vu de tous ces éléments, il n’est sans doute guère étonnant que de nombreux Juifs, après l’exil babylonien, et plus particulièrement entre le IIe siècle av. J.-C. et le IIe siècle ap. J.-C., aient adopté l’idée d’une nature divine du Messie, et que la révélation d’un Dieu unique et multi-personnel, n’avait rien de scandaleux ou de blasphématoire.
En réalité, les premiers judéo-chrétiens se différencient de leurs coreligionnaires juifs sur la base, non de concepts théologiques nouveaux, mais simplement d’une personne : Jésus. Ainsi que l’affirme Boyarin : «Toutes les idées sur le Christ [=le Messie] sont anciennes : la nouveauté, c’est Jésus. Il n’y a rien de nouveau dans la doctrine du Christ, excepté l’affirmation que cet homme-là est le Fils de l’Homme». En fait, c’est la proclamation que Jésus est le Messie divin d’Israël qui distingue ses disciples des autres Juifs.
Ces Juifs qui confessent Dieu en trois personnes !
Daniel Boyarin n’est pas le seul à défendre cette thèse. Le Dr Juif Benjamin Sommer, dans l’une de ses conférences au sujet «des corps de Dieu», affirme que les Juifs ont tort de se moquer des chrétiens trinitaires puisque cette doctrine tire son origine du judaïsme antique.
Benjamin Sommer, professeur de Bible au Jewish Theological Seminary of America, donne des exemples de textes Juifs qui confessent un Dieu en trois personnes. Il admet même que lorsqu’il faisait ses recherches pour écrire son livre à ce sujet, il n’avait pas du tout l’objectif de prouver que les juifs étaient trinitaires, mais c’est la conclusion à laquelle il a été contraint de parvenir, par honnêteté intellectuelle. Il déclare notamment : «Nous, juifs, n’avons aucune objection théologique à la doctrine de la Trinité. (…) Le concept de Trinité est présent dans le Tanakh ainsi que dans le mysticisme juif»
Parmi les textes que Benjamin Sommer cite :
Et qu’en est-il du Saint-Esprit ? Le Judaïsme est-il binitaire ou trinitaire ?
Le Targum connait aussi une troisième entité, appelée Saint-Esprit, intercédant entre l’Éternel et Israël. Le Dr Michael Brown explique à ce sujet que dans le Midrash (étude) des Lamentations, il y a des réflexions sur la personne du Saint-Esprit. Par exemple, Lamentations Rabbah 3:60,9 rapporte qu’après que l’empereur romain Hadrien ait exécuté deux Juifs, le Saint-Esprit se mit à crier : «Tu as vu, Ô Éternel, le mal qui m’est fait. Prends en main ma cause ! Tu vois leur vengeance, leurs complots contre moi». Voilà un exemple du Saint-Esprit intercédant. Selon Lévitique Rabbah 6:1, le Saint-Esprit est un conseiller-avocat qui parle de la part du Seigneur à Israël et de la part d’Israël au Seigneur… Dans toutes ces citations, qui peuvent être facilement multipliées (voyez par exemple, Genèse Rabbah 84:11; Cantique des cantiques Rabbah 8:16, Lamentations Rabbah 1:48), il est clair que le Saint-Esprit est considéré comme une personne, un «qui» et non un «quoi», avec une dimension personnelle et non simplement un pouvoir impersonnel. Il est considéré comme Dieu Lui-même et toutefois comme une entité distincte de Dieu qui peut intercéder entre Dieu et l’homme.
Le philosophe Philon d’Alexandrie rapporte encore que le Saint-Esprit est Divin (Sur les Géants, chapitre 11), il viendra demeurer dans des personnes pour les aider à faire la volonté de Dieu (Les Lois spéciales, I, 54), il sera répandu sur des personnes (Sur les Vertus, 39), il conduira les personnes à chercher Dieu et à l’adorer (Les Lois spéciales, I, 48). Enfin, Philon rapporte, au sujet de Genèse 18v2 où l’Éternel apparait à Abraham et celui-ci en levant les yeux voit 3 hommes, une tradition juive disant que ces trois sont Dieu. Il dit : «Il est raisonnable que l’un soit trois et que les trois soient un» (Philon d’Alexandrie, Sur Abraham 199-122)
La Trinité, un dogme judéo-chrétien !
En guise de conclusion, Maxime N. Georgel, auteur d’un article intitulé : «Les juifs antiques croyaient-ils en la Trinité ?», est catégorique sur la question :
« En regardant les sources juives ainsi que leurs analyses faites par des spécialistes et docteurs tant Juifs que Chrétiens, une conclusion s’impose : la notion d’un Dieu multi-personnel n’est pas une idée inventée par les chrétiens ni volée aux païens. Comme nous l’avons dit, ce sont eux qui ont formulé précisément la doctrine trinitaire, mais ils ont derrière eux une longue tradition juive reconnaissant un Ange/Parole/Fils/Sagesse et un Esprit appelés, avec le Père, Yahweh et accomplissant des oeuvres divines. Leur relation avec le Père étant décrit comme «procédant de» Lui ou «émanant de» Lui. Ainsi, sans confesser explicitement la Trinité, ils allaient dans le sens de celle-ci, la formulaient comme en balbutiant. Une formulation imprécise qui essaye de rendre cohérentes les données de l’Ancien Testament. L’éclairage du Nouveau Testament permettra aux Chrétiens de confesser avec une précision admirable ces vérités. Et c’est en réaction aux chrétiens que les Juifs ont changé leurs interprétations, progressivement, tout au long du Moyen-Âge, comme en témoignent les pères de l’Église comme Justin Martyr, contemporain des premiers changements d’interprétation».
Pst Paul OHLOTT
Note
Métraton est considéré comme l’archange le plus proche de Dieu et qui a la particularité d’avoir été préalablement un humain, donc d’avoir vécu parmi nous. Etymologiquement, le nom Métatron signifie « guide ». Il est le recteur des Archanges. Etant le plus proche de Dieu, il est le plus puissant également. Décrit comme le grand scribe céleste, il est aussi le grand-prêtre du Ciel. C’est le plus terrestre des Archanges, qui siège au sommet de la hiérarchie, en face de Dieu, dont il est le seul à l’avoir vu. C’est l’Archange des archanges. C’est celui qui créa l’univers avec Dieu.
Bibliographie